Soyons conscients, soyons gourmands : l'effet "injonction"
Par Alexandra Palao |
27 mars 2022
Je nous invitais lundi dernier à ne pas poser une nouvelle injonction fusse-t-elle au service de la gourmandise.
Qu'est-ce qu'une injonction?
MF : "Il faut que je mange équilibré, il ne faut pas que je grignote...et c'est valable pour tous les membres de la famille, surtout pour S. qui a tendance à grossir. Mon grand, lui, est maigre comme un clou, alors je le laisse tranquille !"
Thérapeute : "Comment ces règles vous aident-elles au quotidien? Vous permettent-elles de transmettre une éducation au goût joyeuse en accord avec vos VALEURS? Les repas sont-ils des moments de plaisir et de partage? "
MF : "Les repas sont devenus des casse-têtes remplis de tensions. Mon mari est sur le dos de notre fils cadet de peur qu'il mange de trop."
Thérapeute : "Et S. vous semble-t-il épanoui? Il a cessé de grossir depuis que vous respectez les règles plus à la lettre? "
"Non. S. s'est mis à manger en cachette, je retrouve des paquets de gâteaux cachés dans sa chambre. Je ne sais plus quoi faire".
J'évoquais le risque de nourrir la culpabilité et la mésestime de soi chez les mangeurs.
Pourquoi les injonctions génèrent-elles culpabilité et mésestime de soi?
Qu'il soit dit que je ne fais pas la critique des politiques nutritionnelles mises en place jusqu'ici . Il faut mettre en œuvre des choses pour comprendre qu'elles ont des limites.
En tant que citoyenne et professionnelle de soin spécialisée dans l'accompagnement du surpoids, de l'obésité et des troubles alimentaires associés, je nous invite à nous questionner sur la limite des repères nutritionnels donnés au grand public.
En tant que citoyenne et professionnelle de soin spécialisée dans l'accompagnement du surpoids, de l'obésité et des troubles alimentaires associés, je nous invite à nous questionner sur la limite des repères nutritionnels donnés au grand public.
L'action d'enjoindre est le fait de donner un ordre, d'imposer.
Le juge adresse une injonction à une partie lors d'un procès, de faire ou de s'abstenir de faire quelque chose.
Une injonction nutritionnelle est le fait d'enjoindre de manger d'une certaine manière (manger équilibré), d'éviter certains comportements (grignoter, manger gras...).
Que se passe-t-il aujourd'hui dans la tête du mangeur quand il sort des recommandations nutritionnelles?
Le poids des "Il faut, je dois" : témoignage d'une mère de famille (MF)
MF : "Il faut que je mange équilibré, il ne faut pas que je grignote...et c'est valable pour tous les membres de la famille, surtout pour S. qui a tendance à grossir. Mon grand, lui, est maigre comme un clou, alors je le laisse tranquille !"
Thérapeute : "Comment ces règles vous aident-elles au quotidien? Vous permettent-elles de transmettre une éducation au goût joyeuse en accord avec vos VALEURS? Les repas sont-ils des moments de plaisir et de partage? "
MF : "Les repas sont devenus des casse-têtes remplis de tensions. Mon mari est sur le dos de notre fils cadet de peur qu'il mange de trop."
Thérapeute : "Et S. vous semble-t-il épanoui? Il a cessé de grossir depuis que vous respectez les règles plus à la lettre? "
"Non. S. s'est mis à manger en cachette, je retrouve des paquets de gâteaux cachés dans sa chambre. Je ne sais plus quoi faire".
De son côté, S se sent fautif, pas fier de craquer sur des gâteaux.
"Mais quand ce n'est pas équilibré, j'en mange toujours de trop".
L'injonction juge, rend coupable -malgré sa bonne intention initiale- celui qui ne la suit pas.
La culpabilité est un des facteurs qui transforme les envies de manger émotionnelles en compulsion avec perte de contrôle**.
Des messages nutritionnels sources de charge mentale
Depuis des décennies, plus particulièrement depuis la création des PNNS*, les slogans apposés en bas de nos publicités, nous baignons dans des injonctions nutritionnelles :
-"Manger 5 fruits et légumes", "Pour votre santé, ne mangez pas trop gras, trop salé, trop sucré", "Ne grignotez pas entre les repas" etc.
Ces messages se sont intégrés dans le quotidien des mangeurs bien-portants sous forme de "il faut, je dois".
La peine encourue sous jacente est le fait de GROSSIR ou de TOMBER MALADE.
Alors, comme S, 9 ans, les mangeurs font attention, et puis, dérapent. A en juger la vogue des Cheatmeals pour se foutre la paix le temps d'un repas après une semaine de vigilance et de restriction.
D'autres avouent être perdus tant ils ont entendus de conseils alimentaires.
La solution? Alléger la charge mentale
Faire émerger la sagesse et le libre-arbitre des mangeurs
Faire la paix avec les envies et le poids
Nous avons mis les mangeurs en guerre. Contre eux-mêmes, contre leur corps, leurs kilos et leur plaisir.
Il est temps d'inverser la vapeur et de comprendre qu'avoir une envie de douceur est NORMAL.
C'est la manifestation de la fonction de régulation émotionnelle de l'alimentation.
Si on n'en fait pas un problème, elle n'est pas un problème. Puisqu'ensuite, le mangeur -entraîné- va réguler ses apports alimentaires à l'écoute de sa faim.
Pour faire la paix, la pleine conscience est clé.
C'est dans l'instant présent que je peux ressentir une envie et venir l'honorer en étant pleinement présent.e. Sans quoi, je n'en retire aucune satisfaction, aucun réconfort.
Alors je reproduis l'expérience, de jour en jour.
A la recherche de ce plaisir qui n'est pas au rdv.
Car moi-même, je ne suis pas au rdv.
Revenir dans l'ici et maintenant et s'offrir le soin que nous méritons tous.
Pour faire la paix. Et voir nos envies se dissoudre car satisfaites dans les règles de l'Art.
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Merci de votre attention.
Devenir acteur de son assiette avec discernement et joie : Yes We Can!
A lundi prochain !
Photo @unsplash
* : Plan National Nutrition Santé. Le 1er est né en 2001, nous en sommes au 4ème.
Le PNNS avait pour objectif de faire baisser l'obésité de 20% en 5 ans, alors de 9,7%. En 2019, elle est évaluée à 17% de la population.
** : Compulsion alimentaire incontrôlée : Consommation en un temps donné d’une quantité d’aliment supérieure à celle la majorité des gens mangerait, avec notion de perte de contrôle et culpabilité.