“La seule façon d'apporter la paix au monde est d'apprendre soi-même à vivre en paix” 
Jack Kornfield

Soyons conscients, soyons gourmands, une injonction de plus?  

Par Alexandra Palao | 21 mars 2022
"Soyons conscients, soyons gourmands" est le thème choisi par les étudiants de l'École de Diététique et de Nutrition Humaine de Paris pour le Salon de la Nutrition 2022 qui a eu lieu le week-end dernier. 

J'ai eu une grande joie à intervenir à 2 occasions  : 
1-pour la journée des professionnels afin de présenter l'approche du G.R.O.S,
2-pour la journée dédiée au Grand public pour challenger cette thématique.
 
J'ai ressenti la justesse de sensibiliser ces futurs professionnels en nutrition sur un autre regard. Seront-ils en capacité d'oeuvrer pour un rapport à l'alimentation différent de celui qui nous est proposé depuis 60 ans? Plus doux, plus respectueux de chaque être, quelque soit son poids

J'ai l'espoir que oui
Toutefois, la formulation "Soyons conscients, soyons gourmands" est touchy. 

Allons-nous, happés dans la tendance de la pleine conscience, poser une nouvelle injonction ? A être conscient? Et gourmand? 

La conscience est la capacité à connaître l'expérience, observons. L'homme est le seul être qui a de plus la faculté d'observer qu'il observe. 
Et pourtant. 
L'absence de conscience et de pleine présence dans l'ici et maintenant est notre mode par défaut. 
Naturellement, nous fuyons l'instant pour ruminer nos expériences ou anticiper le futur. 
Les écrans, le stress, les émotions inconfortables et l'anxiété générée par la période nous mettent en fuite de nous-mêmes. Et donc nous déconnecte du corps. 

Alors comment être gourmands si nous ne sommes pas conscients? 
Et surtout, autorisons-nous à être gourmands? 

Les femmes et enfants que je reçois en consultation sont en lutte contre leur "gourmandise". Je considère qu'aujourd'hui ce que nous appelons gourmandise ne l'est pas. Les patients parlent de la gourmandise qui les met en difficulté et leur font manger en excès. 
Et si ce n'était pas une vraie gourmandise? 

Il est en notre pouvoir de la redéfinir avec plus de justesse, de clarté pour comprendre ses vertus régulatrices et bienfaisantes pour le bien-être émotionnel et donc physique puisque tout est relié.  


La gourmandise convoque avec elle son histoire qui depuis la nuit des temps a été associée, par la religion catholique, au 7e péché capital. Capital car entraînant d'autres péchés et vices. Elle est alors synonyme de goinfrerie, d'intempérance, de gloutonnerie. 
Cette représentation de la gourmandise est omniprésente dans l'inconscient collectif. Qu'on le veuille ou non. 
Les écrits de Grimod de la Reynière et de Brillat-Savarin, qui lui ont redonné ses lettres de noblesse, n'ont pas effacé ce passé. 

Alors que l'immense majorité des mangeurs a peur de grossir -et les 2 années qui viennent de s'écouler ont amplifié cette peur- comment oser être gourmand? 


Cette petite fille de 9 ans me confiait l'autre jour "Moi, j'ai FAIM DE GOURMANDISES!!!!". Et cet autre de 8 ans qui choisit de manger une pomme plutôt qu'une madeleine car la madeleine fait grossir. 
Nous sommes en train de créer une génération d'enfants qui ont peur d'être gourmands. 

Et si c'était la peur qui faisait tout déraper? 

Lorsque l'on mange un aliment par plaisir et envie, le mécanisme d'alliesthésie alimentaire se met en place : une modulation du plaisir par la perception olfactive et gustative en fonction de l'état énergétique et nutritionnel du sujet. 
Le plaisir n'est pas linéaire. Lorsqu'il décline, nous pouvons cesser l'ingestion. 
Mais encore faut-il être là pour le percevoir. C'est là que nous comprenons combien la pleine conscience est centrale dans cet enjeu. La culpabilité, la honte sont aussi des sentiments à la source de notre déconnexion de nous-mêmes. 

Alors, nous comprenons l'importance de se questionner sur la gourmandise et la pleine conscience. Toutefois, je nous invite collectivement à ne pas en faire une nouvelle injonction, au risque de nourrir à nouveau la culpabilité et la mésestime de soi chez les mangeurs. 

Il est temps d'œuvrer pour une gourmandise consciente, joyeuse et incarnée. 

Chaque lundi, je viendrai poursuivre cette réflexion sur la gourmandise et la pleine conscience, sans chercher à convaincre personne, avec l'intention de nous donner à réfléchir collectivement sur le sujet. 
Je lirai vos commentaires avec plaisir. 

Merci de votre attention bienveillante. 

Belle semaine à vous. 
Alexandra 
Photo @unsplash by Chad Montano

G.R.O.S : Groupe de Réflexion sur l'Obésité et le Surpoids. 

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